Réforme de la LCEE fédérale : les périls des promesses exagérées et non respectées

 

Plus tôt cette année, les choses semblaient prometteuses en ce qui concerne les mesures parlementaires longtemps attendues visant à annuler les modifications régressives à la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (LCEE) apportées par le gouvernement précédent.

Toutefois, les développements récents incitent maintenant à sérieusement remettre en question si le gouvernement fédéral actuel est encore prêt à honorer son engagement public visant à remettre sur les rails le programme défectueux de la LCEE.

En particulier, la plateforme électorale du gouvernement actuel contenait un engagement clair visant à passer en revue et à réviser les processus canadiens d’évaluation environnementale afin de « regagner la confiance du public » et à assurer des évaluations environnementales robustes, participatives et axées sur des données probantes.

Cet engagement important a également été constaté dans la lettre de mandatd’octobre 2015 du premier ministre Trudeau à l’intention de la ministre de l’Environnement et du Changement climatique.

Par conséquent, la ministre a nommé un groupe d’experts de haute estime en juin 2016 afin de mener des consultations à l’échelle du pays au sujet des processus fédéraux d’évaluation environnementale et de formuler des recommandations de réformes législatives. À la fin de 2016, l’ACDE a déposé ses observations préliminaires et finalesau groupe d’experts.

En avril 2017, le groupe d’experts a publié son rapport final, qui résumait les problèmes fondamentaux qui affectent le régime actuel de la LCEE et qui contenait plusieurs recommandations bien fondées qui avaient pour intention d’améliorer significativement les processus fédéraux en matière d’évaluation environnementale.

À la suite du rapport du groupe d’experts, le gouvernement fédéral a publié un court document de discussion en juin 2017 afin de tracer les grandes lignes de certaines réformes qui sont selon toutes apparences actuellement à l’étude du Cabinet.

Durant la période de commentaires publics, l’ACDE, ainsi que d’autres groupes, chercheurs et praticiens de l’évaluation environnementale, en plus des communautés des Premières Nations ont présenté leurs observations qui étaient extrêmement critiques de la vision limitée, du manque de détails alarmant et des réformes entièrement inadéquates décrites dans le document.

Par exemple, le mémoire de l’ACDE conclut que les propositions du document de discussion sont vagues et inacceptables et qu’elles ne permettront probablement pas d’atteindre l’objectif déclaré du gouvernement fédéral visant à combler les lacunes existantes connexes aux processus fédéraux d’évaluation environnementale.

Le mémoire de l’ACDE note également plusieurs instances où le document de discussion s’éloigne dans une très grande mesure des recommandations clés du groupe d’experts sans fournir d’explication ni élaborer davantage. Par exemple, même si le groupe d’experts recommande à répétition que la durabilité environnementale, sociale, sanitaire, économique et culturelle doive servir de fondement du nouveau programme d’évaluation, le document de discussion échoue inexplicablement de mentionner, ne serait-ce qu’une fois, le mot « durabilité ».

À la lumière des propositions insatisfaisantes du document de discussion, le mémoire de l’ACDE énonce 20 recommandations connexes à la réforme fédérale de l’évaluation environnementale, notamment :

  • l’abrogation complète de la LCEE de 2012 et le remplacement de celle-ci par une nouvelle loi exhaustive de prochaine génération qui englobe entièrement les principes, processus et politiques requis pour mettre en œuvre des évaluations de durabilité au niveau fédéral;
  • la nouvelle loi devrait établir et autonomiser une autorité (ou une commission) indépendante d’évaluation, avec des fonctions et des pouvoirs quasi judiciaires, pour mener des processus d’évaluation fédéraux, ainsi que des audiences publiques, et pour rendre des décisions finales et exécutoires, assujetties à un mécanisme d’appel judiciaire ou administratif approprié;
  • la nouvelle loi ne devrait pas requérir de l’Office national de l’énergie ni de la Commission canadienne de sûreté nucléaire qu’elles dirigent ou codirigent des processus fédéraux d’évaluation, ni ne leur permettre. Elle devrait plutôt obliger ces autorités de réglementation à participer aux évaluations menées par l’autorité indépendante.

Malgré les lacunes, faiblesses et imperfections du document de discussion, l’ACDE et les autres intervenants dans l’ensemble du Canada continuent d’enjoindre le gouvernement canadien à ne pas passer à côté d’une réforme juridique générationnelle en ne faisant que simplement peaufiner le statu quo inacceptable proposé par la LCEE.

Plutôt, l’ACDE demande respectueusement au premier ministre et aux membres du Cabinet de respecter leur engagement visant à instaurer d’importantes réformes qui rétabliront réellement la confiance du public ainsi que la crédibilité envers les processus fédéraux d’évaluation environnementale largement discrédités.