Le gouvernement fédéral à la croisée des chemins en ce qui concerne l’examen de la procédure d’évaluation environnementale

 

Au cours des dernières semaines, le gouvernement du Canada a intensifié l’examen public tant attendu des processus d’évaluation environnementale.

Par exemple, un comité d’experts indépendants a été créé à la mi-août afin d’entreprendre diverses formes de consultations qui se tiendront au cours des prochains mois et de présenter, en janvier 2017, un rapport contenant ses conclusions et ses recommandations concernant la réforme des processus d’évaluation environnementale.

Au cours du dernier mois, le comité d’experts a été occupé : il a lancé son propre site Internet; il a cerné les « thèmes » de l’évaluation environnementale et les questions qui seront étudiées; il a planifié les prochaines rencontres de consultation avec le public et avec les Autochtones qui se dérouleront dans différentes villes; et il a diffusé en direct une séance d’information technique sur les processus d’évaluation environnementale.

En outre, un comité consultatif de l’évaluation environnementale multilatéral a été mis sur pied afin de fournir au comité d’experts des recommandations concernant les enjeux clés liés à l’évaluation environnementale. Ce comité a tenu sa première réunion à la fin du mois d’août et il est composé de représentants de l’industrie, des communautés autochtones et des groupes environnementaux de partout au Canada (incluant l’Association canadienne du droit de l’environnement qui agit comme membre suppléant).

Cette première vague d’activités donne certainement l’impression que l’examen de la procédure d’évaluation environnementale est bien engagé et que ce n’est qu’une question de temps avant que le Parlement ne renverse les réformes mal conçues des processus d’évaluation environnementale adoptées par le gouvernement précédent.

Cependant, ces efforts louables nous mènent à une question fondamentale : quel est exactement le but de l’examen des processus d’évaluation environnementale?

La lettre de mandat du premier ministre Trudeau à la ministre de l’Environnement Catherine McKenna indique que le but de l’examen des processus d’évaluation environnementale est de « regagner la confiance du public », d’assurer des processus « exhaustifs » d’évaluation environnementale et d’exiger des décisions fondées sur des données scientifiques qui « servent l’intérêt public ». Mais comment atteindre ces objectifs?

Par exemple, l’examen des processus d’évaluation environnementale se concentrera-t-il sur la simple mise au point du statu quo (qui est totalement inacceptable) en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012)? Sinon, l’examen des processus d’évaluation environnementale aboutira-t-il à la restauration de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale de 1992, qui a été révoquée, malgré certaines de ses dispositions problématiques? Plus encore, l’examen des processus d’évaluation environnementale ouvrira-t-il la voie à un nouveau régime d’évaluation environnementale axé sur l’avenir, qui nécessite des « évaluations de durabilité » solides plutôt que des évaluations intéressées par les promoteurs de l’importance, de la probabilité ou de l’atténuation des effets néfastes sur l’environnement?

Ces questions, et plusieurs autres, ont été examinées par des praticiens, des universitaires, des groupes de la société civile et des membres des communautés autochtones lors d’un « Sommet de l’évaluation environnementale » qui a eu lieu à Ottawa plus tôt cette année. Les délibérations de ce sommet et les documents de discussion sont maintenant accessibles en ligne (en anglais seulement), et les participants au sommet ont fortement appuyé le modèle d’évaluation environnementale de la « prochaine génération » proposé par les professeurs Gibson, Doelle et Sinclair.

Ces auteurs estiment à juste titre que les administrations canadiennes devraient passer d’un régime d’évaluation environnemental traditionnel (et étroitement ciblé) à une approche « d’évaluation de la durabilité » plus exhaustive et plus participative. Cette nouvelle vision comprend notamment l’évaluation stratégique et régionale des plans, des politiques et des programmes, et elle met l’accent sur la prise de décisions éclairées qui procurent des avantages sociaux à long terme, multiples, mutuellement renforcés et équitablement répartis de la part des projets approuvés.

Toutefois, à l’heure actuelle, on ignore si, ni dans quelle mesure, la transition nécessaire à l’évaluation environnementale de la prochaine génération sera à l’avant-garde des délibérations du comité d’experts, compte tenu en particulier du calendrier comprimé pour l’achèvement de ses travaux.

De plus, le mandat du gouvernement pour l’examen des processus d’évaluation environnementale stipule que le comité doit examiner la façon dont ces processus sont menés par l’Office national de l’énergie, par la Commission canadienne de sûreté nucléaire et par l’Agence canadienne d’évaluation environnementale. Il s’agit là d’une considération importante, mais elle ne tient pas compte de la plus grande question de politique publique, à savoir si ces entités devraient mener des évaluations environnementales ou s’il existe d’autres options institutionnelles (ou préférables) pour assurer la qualité, la crédibilité et la responsabilisation de l’évaluation environnementale.

L’Association canadienne du droit de l’environnement conclut que l’examen des processus d’évaluation environnementale offre une occasion importante de réinitialiser et de reconstruire ces processus fédéraux dans une nouvelle optique audacieuse pour l’avenir. En conséquence, le gouvernement du Canada ne devrait pas gaspiller cette occasion en procédant à des réformes législatives ponctuelles ou en mettant en œuvre des rectifications administratives qui ne corrigent pas les processus d’évaluation environnementale actuellement en place au niveau fédéral.