Il est temps d’entamer une conversation difficile – réduire l’utilisation des sels de voirie en Ontario

 

Le mois dernier, j’ai participé au Great Lakes Chloride Forum qui s’est tenu à Toronto. Ayant déjà travaillé sur le dossier des sels de voirie il y a plus d’une décennie sans avoir observé de changements significatifs dans la politique publique, j’étais prudemment optimiste quant à ce regain d’intérêt. Et, ayant participé en mai dernier à une discussion menée par WWF Canada sur les sels de voirie à l’occasion du The People’s Great Lakes Summit , j’étais impatiente de poursuivre cette conversation.

Présenté par les consulats généraux des États-Unis au CanadaWWF Canada, la Lake Simcoe Region Conservation Authority et Gowling WLG, en consultation avec Smart About Salt Council et l’Association des bonnes routes de l’Ontario (OGRA) le Forum avait deux objectifs :

1. Comprendre et partager les meilleures pratiques, incluant la responsabilité et les objectifs environnementaux, pour ce qui est de l’application du sel de voirie en restant conscient de la sécurité publique et de la santé des écosystèmes d’eau douce

2. Établir un groupe de travail afin d’assurer la mise en œuvre des pratiques exemplaires et des principaux apprentissages permettant de progresser

La pollution par les chlorures provient principalement de deux sources : l’épandage de sels de voirie sur nos autoroutes, les routes, les trottoirs et les stationnements et l’utilisation d’adoucisseurs d’eau. Étant donné que l’utilisation d’adoucisseurs d’eau est très intense par endroits, il est probable que régler la question de l’utilisation du sel de voirie aura un impact plus important dans l’ensemble du bassin hydrographique. J’ai été sidérée d’apprendre que, dans une rivière ontarienne en particulier, les charges de chlorure atteignent le même niveau que celle de l’eau de mer. C’est 167 fois la quantité considérée comme étant sécuritaire pour les organismes aquatiques en eau douce et 80 fois plus élevée que l’objectif de qualité d’eau potable!

Les facteurs déterminants de la pollution par les chlorures produits par des activités d’entretien hivernal sont la densité routière et l’imperméabilité des surfaces. Ce problème est particulièrement présent dans le sud de l’Ontario.

De fortes quantités de chlore peuvent être corrosives et endommager les infrastructures et les biens personnels, y compris les revêtements routiers, les structures en béton, les véhicules, les vêtements, etc. De plus, des impacts significatifs sur les poissons et la vie aquatique peuvent être constatés. Le déversement de certains chlorures de sodium dans les sources d’eau potable peut créer un risque potentiel pour les personnes souffrant d’hypertension.

Au cours d’une séance intitulée « Le jeu de l’autruche : la responsabilité », j’ai expliqué comment on ne nous permet plus d’utiliser deux instruments juridiques dans le cadre du droit de l’environnement concernant cette question.

D’abord, en 1972, le gouvernement de l’Ontario a adopté le règlement 339 qui exempte de la Loi sur la protection de l’environnement les « administrations routières » d’appliquer toute substance « dans le but de maintenir le trafic routier sécuritaire en présence de glace et de neige ». Ce règlement, n’ayant jamais fait l’objet d’une modification, est antérieur à la Loi sur la protection de l’environnement de 1993, ce qui empêche le public de s’exprimer sur cette dérogation.

Deuxièmement, en 2001, après que les sels de voirie ont été jugés toxiques pour l’environnement par Environnement Canada et Santé Canada, ils n’ont pas été ajoutés à la Liste des substances toxiques de l’annexe 1 de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999). Sans cette liste, d’autres instruments qui pourraient être appliqués afin de freiner l’utilisation du sel de voirie ne sont pas disponibles. Au lieu de cela, un code de bonne pratique facultatif, dont les applications sont limitées, a été mis en place. Il s’applique actuellement uniquement aux autorités routières publiques appliquant des sels de voirie sur les routes publiques. De plus, cela s’applique uniquement aux autorités routières publiques : (i) qui utilisent plus de 500 tonnes de sels de voirie par année ou (ii) dont leur région est pourvue d’écosystèmes vulnérables. Ceux qui adhèrent au code de pratique sont encouragés à conserver des dossiers et à soumettre des informations au gouvernement fédéral. Cependant, il n’existe aucun instrument juridique à la disposition du gouvernement fédéral pour faire respecter le code de pratique.

Dans ce contexte d’instruments juridiques inadéquats, jouer à l’autruche consiste à nier la responsabilité légale qui s’applique aux activités d’entretien hivernal municipales, publiques, provinciales et privées. L’avocat de Gowlings a décrit, entre autres, le « caractère raisonnable » qui, en un mot, oblige une personne à qui incombe les activités d’entretien hivernal à mettre en place un système et à démontrer que celui-ci a été utilisé. Cela ne nécessite pas l’élimination de tous les dangers (par exemple, assurer une chaussée continuellement dégagée).

Les perceptions et les attentes nous ont menés à surutiliser les sels de voirie. D’un côté, nous avons la perception de ce qui doit être fait pour éviter les poursuites (par exemple les demandes d’indemnisation à la suite de chutes et de blessures) et les autres attentes selon lesquelles nous devrions être en mesure de porter des bottes et de conduire avec des pneus toutes saisons sur des chaussées complètement dégagées, peu importe la période de l’année. Les conséquences, renforcées par un manque de protection de l’environnement, se font sentir sur la vie aquatique.

D’autres administrations ont abordé ces problèmes. Par exemple, le New Hampshire a fait usage de ses lois sur la protection de l’eau et a introduit un régime de responsabilité limitée.

Il existe des solutions au problème, surtout si tous les secteurs se permettent de faire front commun et d’avoir cette conversation difficile.

Les participants ont convenu qu’il y a un désir de continuer à travailler ensemble pour trouver les bonnes solutions. L’Association canadienne du droit de l’environnement s’est engagée à travailler en collaboration pour relever le défi de la lutte contre la pollution par les chlorures dans le bassin des Grands Lacs et du Saint-Laurent.