La Loi sur l’évaluation d’impact du Canada : mythes et réalités

ENGLISH

 

À la fin du mois de juin, la très médiatisée Loi sur l’évaluation d’impact du Canada a fait l’objet d’une troisième lecture à la Chambre des communes. Le projet de loi a maintenant été renvoyé au Sénat pour examen au cours de la session d’automne.

Si ce projet de loi est adopté, la Loi sur l’évaluation d’impact abrogera et remplacera laLoi canadienne sur l’évaluation environnementale(2012) (LCEE (2012)), qui établit actuellement le processus d’évaluation environnementale pour certains types de projets de compétence fédérale (p. ex., pipelines, mines, exploitation de sables bitumineux, centrales nucléaires, installations de déchets radioactifs, etc.)

Au cours du débat en troisième lecture, la ministre fédérale de l’Environnement a qualifié la Loi sur l’évaluation d’impact de mise en place « de meilleures règles » qui reflètent une « approche équilibrée » en matière de protection de l’environnement, de renforcement de l’économie et de réponse aux « priorités des peuples autochtones, des intervenants et des Canadiens d’un bout à l’autre du pays ».

Cependant, un examen attentif de la Loi révèle un décalage important entre cette rhétorique politique et la réalité juridique.Par conséquent, le but de ce blogue est de répondre à certaines des affirmations erronées, des fausses déclarations et des malentendus relatifs à la Loi qui ont surgi ces derniers mois.

MYTHE : La Loi sur l’évaluation d’impact incorpore pleinement les recommandations du groupe d’experts du gouvernement fédéral, qui a tenu de vastes consultations pancanadiennes sur la façon de réformer le processus d’évaluation afin de regagner la confiance du public.

FAIT : Bien que la Ministre souligne à maintes reprises que de nombreux Canadiens ont participé aux consultations du groupe d’experts, la Loi ne met pas réellement en œuvre les recommandations clés énoncées dans le rapport final du groupe d’experts. Par exemple, sur la base des preuves et des observations reçues du public, le groupe d’experts a recommandé la création d’une autorité d’évaluation indépendante afin de procéder aux évaluations et prendre les décisions définitives concernant l’approbation ou le rejet des engagements proposés. Cependant, cette recommandation ne se reflète pas dans la Loi et les décisions définitives d’évaluation en vertu de la Loi continueront d’être prises par des politiciens fédéraux à huis clos, tout comme sous le régime de la LCEE (2012).

MYTHE : La Loi sur l’évaluation d’impact s’appliquera à toutes les activités environnementales importantes susceptibles d’avoir une incidence sur les domaines d’intérêt fédéral.

FAIT : Tout comme la LCEE (2012), la Loi sur l’évaluation d’impact ne s’appliquera qu’à certains types de projets à grande échelle et ne visera pas d’autres activités ou travaux importants sur le plan environnemental faisant appel au pouvoir décisionnel fédéral (octroi de permis, financement ou cession de terres).En outre, malgré l’adoption imminente de la Loi, on ignore actuellement quels projets seront soumis au nouveau processus d’évaluation. À l’heure actuelle, le gouvernement fédéral réfléchit toujours aux critères de la liste des projets, mais n’a publié aucun règlement de choix des projets.

MYTHE : Des évaluations d’impact seront automatiquement requises pour tous les projets visés par le règlement.

FAIT : En vertu de la Loi, même les projets figurant sur la liste ne devront pas nécessairement faire l’objet d’une évaluation d’impact avant d’être mis en œuvre. La raison en est que l’Agence canadienne d’évaluation des impacts a été habilitée par la Loi à décider, au cas par cas, si les projets nécessitent une évaluation.

MYTHE : Les effets cumulatifs de plusieurs projets dans la même zone géographique seront abordés dans le cadre d’évaluations régionales ou stratégiques aux termes de la Loi.

FAIT : Bien que les évaluations régionales et stratégiques soient mentionnées dans la Loi, le gouvernement fédéral n’est pas obligé de mener ou de réaliser ces évaluations. De même, les déclencheurs spécifiques, les exigences de participation du public et d’autres détails de la mise en œuvre des évaluations régionales et stratégiques sont absents de la Loi. Le résultat est que, par défaut, les effets cumulatifs continueront probablement d’être évalués de manière inadéquate (ou pas du tout) lors des évaluations d’impact.

MYTHE : La Loi restreint considérablement le rôle, la fonction et l’influence des organismes de réglementation fédéraux (p. ex., la Commission canadienne de sûreté nucléaire, l’Office national de l’énergie et les offices extracôtiers) dans les processus d’évaluation de l’impact des projets énergétiques.

FAIT : Afin de rétablir la confiance du public et de répondre aux préoccupations relatives à la saisie réglementaire, le groupe d’experts a recommandé que les évaluateurs fassent part de leurs connaissances lors des processus d’évaluation d’impact, mais qu’ils ne dirigent pas ce processus. Cependant, le gouvernement fédéral a refusé de suivre ce conseil. Au contraire, la Loi exige expressément que la Ministre nomme des organismes de réglementation chargés d’examiner les comités responsables de réaliser les évaluations et de préparer les rapports sur les projets énergétiques.

MYTHE : La Loi veillera à ce que seuls les projets « durables » soient approuvés.

FAIT : La mesure dans laquelle un projet « contribue à la durabilité » est établie dans la Loi, où elle constitue un facteur (parmi d’autres) qui doit être pris en compte par les décideurs lors de l’approbation du processus d’évaluation. Cependant, la Loi ne fournit aucun détail ou critère sur la manière dont la durabilité doit être évaluée et ne contient pas de règles explicites pour faire des compromis entre la « durabilité » et les facteurs économiques à court terme.

MYTHE : Dans le cadre du processus d’évaluation de l’impact, la Loi opérationnalise la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones — y compris le principe du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause.

FAIT : La Loi se réfère brièvement à la Déclaration dans son préambule qui, par interprétation législative, n’est pas juridiquement exécutoire et ne confère aucun droit formel. Outre une clause de non-dérogation standard, d’autres dispositions de la Loi relatives à l’engagement des Autochtones dans la collecte d’informations et la prise de décisions sont discrétionnaires, insuffisantes ou ambiguës.

MYTHE : La Loi sur l’évaluation d’impact est « plus efficace » que la LCEE (2012), en vigueur actuellement.

FAIT : La comparaison entre la Loi sur l’évaluation d’impact et la LCEE (2012) révèle qu’elles contiennent de nombreuses dispositions identiques (ou essentiellement similaires), et qu’elles partagent le même modèle d’évaluation (par exemple, l’accent sur les mégaprojets, les vastes pouvoirs d’évaluation [ou d’évaluation étroite], la trop grande dépendance à l’égard des déclarations d’impact des promoteurs, la prise de décisions politisée, etc.) Malgré quelques améliorations progressives (par exemple, la création d’une phase de planification précoce), la Loi sur l’évaluation d’impacts ne présente pas une approche radicalement nouvelle de la très critiquée LCEE (2012). Par conséquent, la Loi sur l’évaluation d’impact ne peut être interprétée comme une loi « nettement meilleure » qui respecterait la promesse du gouvernement fédéral de rétablir la confiance du public, de renforcer la responsabilisation, de faciliter une participation significative du public et de prendre des décisions solides et fondées sur des données scientifiques. En conclusion, la Loi n’est pas une panacée qui résout tous les problèmes détectés dans le processus d’évaluation fédéral actuel. En conséquence, il reste à voir si le Sénat approuvera la Loi malgré ses défauts fondamentaux ou s’il est prêt à proposer des amendements appropriés pour la renforcer avant qu’elle ne soit promulguée.