La Première Nation Grassy Narrows intente une poursuite contre l’Ontario au sujet de la menace pour la santé du mercure résultant de la coupe à blanc

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Cette poursuite sans précédent évoque la Charte des droits pour protéger la Première Nation des dommages toxiques

Sep 14 2015

Toronto – La Première Nation Grassy Narrows entame aujourd’hui des procédures judiciaires contre l’Ontario, en demandant à la Cour divisionnaire de débouter les plans de la province d’une décennie de coupe à blanc sur ses terres ancestrales.

Cette petite communauté autochtone craint que la coupe à blanc ne libère du mercure dans les cours d’eau locaux et n’empoisonne davantage les poissons et la population, qui doivent déjà faire face à la présence de mercure rejeté dans la rivière par une usine de papier dans les années soixante. La Première Nation Grassy Narrows fait valoir que le plan d’exploitation forestière ne fera que prolonger et aggraver la tragédie de l’empoisonnement au mercure de la collectivité, violant ainsi ses droits à la sécurité et à la protection contre la discrimination garantis par la Charte des droits. Il pourrait s’agir de la première cause où la Charte canadienne des droits et libertés est évoquée avec succès dans la protection de la population contre les dangers et la discrimination résultant d’une dégradation environnementale.

« Je suis attristé à l’idée que nous soyons forcés de nous battre en cour pour la protection de nos enfants contre les effets dangereux de la coupe à blanc qui entraîne de tels niveaux de mercure », a déclaré le chef de la Première Nation Grassy Narrows, Roger Fobister Sr. J’espère que le tribunal mettra enfin un terme à la longue tradition de l’Ontario qui impose des décisions néfastes à nos familles et à nos terres ancestrales ». Des recherches scientifiques indiquent que la coupe à blanc dans la forêt boréale peut augmenter le niveau de mercure dans les poissons au-delà de la limite considérée comme étant propre à la consommation humaine. Il existe déjà des restrictions sur la consommation de poissons provenant de nombreux lacs dans les régions où la coupe à blanc est prévue à cause des rejets passés de mercure. Malgré ces données probantes, l’Ontario a refusé la demande de la Première Nation Grassy Narrows pour une évaluation environnementale des effets de la coupe à blanc sur la santé des collectivités, des cours d’eau et des poissons. Le plan de coupe à blanc de quelque 1 200 pages approuvé par l’Ontario ne mentionne pas une seule fois le mot « mercure ».

Après avoir maintes fois tenté de convaincre l’Ontario d’annuler le plan de coupe à blanc, la Première Nation Grassy Narrows a lancé aujourd’hui une demande d’un examen judiciaire par la Cour divisionnaire de l’Ontario. Cette demande exige notamment que la cour rejette l’approbation du plan de coupe à blanc par le gouvernement et son refus de mener une évaluation environnementale des effets du mercure. « Quand j’étais enceinte, je ne pouvais pas me permettre d’acheter des aliments au magasin et j’ai donc mangé ce que mon grand-père ramenait à la maison – principalement du poisson. Aujourd’hui, j’en pleure, car je crains que ma fille n’en souffre pour le restant de sa vie. Elle a droit à une belle vie et d’être heureuse », a déclaré Sherry Fobister, une mère de la Première Nation Grassy Narrows et l’une des plaignantes nommées dans la poursuite. « Cette douleur ne partira jamais tant que l’Ontario autorise la coupe à blanc et continue d’ajouter du mercure dans notre rivière. »

La réponse du MRNF à la demande de la Première Nation Grassy Narrows pour une évaluation de l’environnement indique que « la possibilité que les activités de gestion forestière entraînent la mobilisation du mercure terrestre dans les systèmes aquatiques est en effet bien documentée et c’est une préoccupation sérieuse ». Le MRNF a en outre reconnu qu’« il n’existe aucune déclaration selon laquelle la direction des [règles provinciales d’exploitation forestière] et l’application [de ces règles] atténuera ou éliminera le rejet de Hg [mercure] ». En décembre 2013, l’Ontario a néanmoins donné le feu vert au plan de coupe à blanc. En décembre 2014, il a officiellement refusé la demande de la Première Nation Grassy Narrows de déterminer et d’évaluer les effets de ce plan sur les niveaux de mercure au moyen d’une évaluation environnementale de toute exploitation forestière. La coupe à blanc autorisée par le plan pourrait commencer dès 2016 sur les terres ancestrales de la Première Nation Grassy Narrows.

« Nous demandons à la cour d’intervenir afin de garantir que les droits fondamentaux de tous les Canadiens, notamment le droit d’être protégé contre les dangers imposés par le gouvernement et contre la discrimination, s’appliquent enfin à la Première Nation Grassy Narrows », a déclaré Joseph Castrilli, avocat auprès de l’Association canadienne du droit de l’environnement. « Nos clients estiment que les membres de la Première Nation Grassy Narrows ont subi bien trop de préjudices et qu’ils ont donc droit au plus haut niveau de précaution et de justice environnementales. »

La Première Nation Grassy Narrows est victime de l’une des plus tristement célèbres crises de santé environnementale. De nombreuses personnes de cette collectivité de pêcheurs souffrent encore des effets toxiques du rejet par une usine à papier de quelque 9 000 kilos de mercure dans la rivière Wabigoon dans les années soixante. Quarante-cinq ans après l’arrêt de ces rejets, les niveaux de mercure dans la rivière demeurent dans la catégorie des risques les plus élevés et dans certaines régions proches de Grassy Narrows, le niveau de mercure dans les sédiments de la rivière augmente encore. Aucune action n’a été entreprise pour nettoyer la rivière bien qu’une commission scientifique conjointe Ontario-Canada ait recommandé des mesures correctrices précises en 1983.

Aide juridique Ontario (AJO) fournit un soutien financier à cette poursuite par l’intermédiaire de son programme de financement des causes types et du financement de l’Association canadienne du droit de l’environnement. Un appui important a été fourni très tôt par l’Environmental Defender Law Center et par l’Impact Fund.

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CONTACTS :
Chef Roger Fobister Sr. – 807-407 2574
Chef adjoint Randy Fobister – 807-407 1832
Joseph Castrilli – avocat représentant la Première Nation Grassy Narrows et avocat auprès de l’Association canadienne du droit de l’environnement, 416-960 2284, poste 218 ou cellulaire : 416-998 9838
Source des documents, des photos, du rouleau b et du contexte : riverrun2010@gmail.com
Pour de plus amples renseignements : FreeGrassy.net

Faits en bref 
Première Nation Grassy Narrows c. Ontario – plainte sur les effets du mercure résultant de la coupe à blanc

Que se passe-t-il?
La Première Nation Grassy Narrows a déposé une demande auprès de la Cour divisionnaire pour un examen judiciaire d’une décision de la province approuvant des activités de coupe à blanc sur ses terres ancestrales et refusant d’exiger une évaluation environnementale individuelle (« EEI ») concernant la possibilité d’une contamination par le mercure et d’effets nuisibles sur la santé des personnes résultant de la coupe à blanc. Un examen judiciaire est une procédure juridique demandant à la cour de statuer sur la décision du gouvernement qui enfreint la loi applicable.

Pourquoi la Première Nation Grassy Narrows poursuit-elle l’Ontario?
La coupe à blanc et le mercure ont des effets extrêmement néfastes sur la santé, sur la culture et sur la subsistance des membres de la collectivité. La Première Nation Grassy Narrows a tenté à maintes reprises de convaincre la province de refuser ce plan de coupe à blanc, au moyen de réunions, de pétitions, de prières, de manifestations et de lettres ouvertes, mais l’Ontario a refusé toute demande. Le ministère des Richesses naturelles et des Forêts et le Ministère de l’Environnement et de l’Action en matière de changement climatique de l’Ontario ont toutefois utilisé les lois provinciales pour approuver le plan et ils ont refusé d’examiner les effets du mercure en menant une EEI.

Quel est l’argument juridique?
La Première Nation Grassy Narrows allègue que la coupe à blanc prévue selon le plan approuvé nuira à sa santé et à sa culture, car elle augmentera le niveau de mercure dans les eaux et les poissons. Plus précisément, la Première Nation Grassy Narrows maintient que cela enfreint les lois suivantes :

1. L’article 7 de la Charte canadienne des droits et des libertés qui protège le droit à la vie, la liberté et la sécurité de la personne. La Charte est la loi la plus importante au Canada. La Première Nation Grassy Narrows soutient que la coupe à blanc enfreint l’article 7, car l’augmentation des niveaux de mercure dans les poissons à l’échelle locale sera néfaste à la santé du peuple de la Première Nation Grassy Narrows qui se nourrit de poisson.

2. L’article 15 de la Charte qui protège les personnes contre la discrimination. Le plan de coupe à blanc enfreint l’article 15, car il aura un impact disproportionné et il désavantagera le peuple Anishinaabe, qui pratique un mode de vie traditionnel, notamment la pêche dans les eaux de la Première Nation Grassy Narrows.

3. La Loi sur la durabilité des forêts de la Couronne de l’Ontario exige que les plans de coupe soient durables en ce qui concerne la qualité de l’eau et des poissons. La Loi sur les pêches fédérale interdit le rejet de substances toxiques dans les eaux habitées par des poissons. La Première Nation Grassy Narrows soutient que la coupe à blanc enfreint ces lois en causant ou en permettant le rejet de mercure dans les eaux, qui s’accumule dans le poisson.
(Pour de plus amples renseignements, voir l’avis de demande; courriel : riverrun2010@gmail.com)

Comment la coupe à blanc cause-t-elle une augmentation du mercure?
Le mercure provenant d’émissions industrielles (par ex. des centrales électriques au charbon ou des incinérateurs) tombe du ciel partout sur le sol. Dans une forêt saine, le mercure est contenu dans le sol. Mais, lorsque la forêt est coupée, le mercure s’écoule dans les lacs et les rivières où il s’accumule dans les poissons sous forme de méthylmercure – une puissante neurotoxine. Il devient alors dangereux de manger le poisson. Dans une forêt boréale naturelle, les incendies relâchent périodiquement le mercure dans l’air et ils en réduisent la quantité. Le sol est donc libre de mercure et le poisson peut être mangé. (voir la fiche de renseignements sur le mercure provenant de la coupe à blanc) (en anglais).

Comment cela se rapporte-t-il au mercure rejeté dans les eaux dans les années soixante?
Neuf tonnes de mercure ont été rejetées dans la rivière Wabigoon de la Première Nation Grassy Narrows entre 1962 et 1970 par une usine à papier basée à Dryden, avec la permission de l’Ontario. Des experts en mercure japonais et canadiens ont confirmé que le peuple de la Première Nation Grassy Narrow a été contaminé par ce mercure. Le mercure n’a jamais été retiré et de nombreuses personnes en sont encore malades aujourd’hui, notamment des enfants (voir la feuille de renseignements sur les travaux du Docteur Harada à Grassy Narrows pour de plus amples renseignements) (en anglais). La coupe à blanc autorisée par le plan viendrait ajouter du mercure à la rivière de la Première Nation Grassy Narrows et elle ajouterait du mercure aux lacs et aux rivières autour de ses terres ancestrales qui n’ont pas été touchés par les rejets des années soixante. Cela prolongerait et aggraverait l’empoisonnement par le mercure de la Première Nation Grassy Narrows.

Quelle solution la Première Nation Grassy Narrows demande-t-elle?
Dans sa demande d’un examen judiciaire, la Première Nation Grassy Narrows n’exige pas d’argent ni d’autre forme de compensation. Les représentants de la Première Nation Grassy Narrows demandent au tribunal de protéger leur santé et leur culture en annulant le plan de coupe à blanc et en exigeant une évaluation environnementale individuelle (pour de plus amples renseignements, voir l’avis de demande ; courriel : riverrun2010@gmail.com)

Comment cette cause est-elle différente de celle menée récemment par la Première Nation Grassy Narrows devant la Cour suprême (Keewatin c. MNR)?
La récente décision de la Cour suprême du Canada dans la cause Keewatin est fondée sur l’interprétation des dispositions du Traité 3. Dans cette cause, les tribunaux à tous les niveaux ont accepté de se pencher uniquement sur la question juridique concernant l’autorité légale de l’Ontario à émettre des licences de coupe sur des terres de la Couronne et si l’Ontario devait, préalablement, obtenir l’approbation du Canada. La Cour suprême a statué que l’Ontario ne devait pas demander l’autorisation préalable du Canada. L’examen judiciaire actuel ne demande pas à la cour d’interpréter le Traité 3. Cette cause se base plutôt sur des lois d’application générale prévues pour la protection de toutes les personnes et de l’environnement contre tout effet néfaste. Il pourrait s’agir de la première action à évoquer la Charte avec succès pour la protection des personnes contre les dangers et la discrimination causés par une dégradation environnementale.

Quelle est l’étape suivante?
Après avoir reçu la demande d’examen judiciaire, l’Ontario aura l’occasion de répondre aux arguments et aux preuves sous serment de la Première Nation Grassy Narrows. Une fois les documents nécessaires rassemblés et les autres étapes préliminaires accomplies, une audience orale sera fixée devant la Cour divisionnaire de l’Ontario et une commission formée de trois juges entendra les arguments des deux parties avant de prendre une décision sur les questions juridiques en litige.

Pour de plus amples renseignements : FreeGrassy.net