La province propose de supprimer le poste de « chien de garde » environnemental de l’Ontario

Le ministre des Finances de l’Ontario a récemment déposé le projet de loi 57, qui est une loi omnibus visant à mettre en œuvre l’Allocution du Ministre pour l’automne 2018.

Toutefois, ce projet de loi va bien au-delà des questions budgétaires courantes, puisque son annexe 15 propose diverses modifications à la Charte des droits environnementaux de la province, adoptée depuis longtemps. Il est alarmant de constater que cette annexe contient des dispositions qui, si elles sont adoptées, supprimeront le Bureau du commissaire à l’environnement de l’Ontario (CEO).

Depuis 25 ans, le CEO sert, en vertu de la Charte, d’agent indépendant nommé par l’Assemblée législative de l’Ontario, et non par le parti au pouvoir. De plus, la Charte confie au ou à la CEO un certain nombre de pouvoirs, de fonctions et de responsabilités, notamment les suivants :

  • examiner attentivement la conformité du gouvernement aux exigences juridiques de la Charte (p. ex. veiller à ce qu’il y ait suffisamment d’avis publics et de possibilités d’obtenir des commentaires, évaluer l’application des déclarations de valeurs environnementales des ministères durant les processus décisionnels, etc.);
  • déposer des rapports annuels et des rapports spéciaux auprès de l’Assemblée législative sur plusieurs questions de protection de l’environnement prescrites par la Charte, y compris les économies d’énergie et les changements climatiques;
  • fournir des conseils utiles et de l’aide aux Ontariens qui veulent utiliser les outils juridiques de la Charte pour protéger l’environnement (p. ex. déposer des demandes d’examen ou d’enquête, interjeter appel d’approbations environnementales auprès d’un tiers, etc.).

Bref, pendant plus de deux décennies, le Bureau du ou de la CEO, qui est non partisan, a joué un rôle déterminant pour tenir les gouvernements ontariens successifs responsables de leurs actes et omissions en vertu de la Charte et d’autres lois environnementales. De plus, il est intervenu dans des affaires judiciaires ontariennes portant sur l’interprétation de dispositions clés de la Charte.

Compte tenu de ces importants résultats, l’ACDE conclut que la proposition de supprimer le Bureau du CEO par le projet de loi 57 entraînera inévitablement une grande perte d’indépendance, de transparence et de responsabilité en vertu de la Charte.

À titre d’exemple, l’annexe 15 propose que la vérificatrice générale de l’Ontario exerce certaines tâches et fonctions en vertu de la partie III de la Charte. Elle peut toutefois les déléguer à une nouvelle personne nommée (p. ex. le « commissaire à l’environnement »), que l’annexe 15 qualifie de simple « employé » de la vérificatrice générale.

À première vue, cet arrangement institutionnel proposé semble être un simple transfert d’autorité du ou de la CEO à la vérificatrice générale. Toutefois, un examen attentif de l’annexe 15 révèle que les fonctions et les pouvoirs actuels du ou de la CEO sont réduits, restreints et, à certains égards, éliminés.

Par exemple, bien que la partie III de la Charte autorise actuellement le ou la CEO à déposer des rapports spéciaux, selon les besoins ou les circonstances, l’annexe 15 élimine complètement cette importante soupape de sécurité.En effet, le projet de loi 57 n’exige qu’un seul rapport annuel sur des sujets limités, et l’annexe 15 permet d’inclure ce rapport simplifié dans les rapports financiers de la vérificatrice générale à l’Assemblée législative de l’Ontario.

De même, bien que la Charte actuelle fournisse une longue liste de questions précises à traiter dans les rapports annuels du ou de la CEO, aucune exigence législative obligatoire n’est à déposer dans les rapports annuels en vertu du projet de loi 57. L’annexe 15 indique plutôt vaguement que les rapports annuels devraient traiter de « l’application de la présente loi », y compris de toutes les questions que la vérificatrice générale « juge appropriées ». De plus, il semble que la vérificatrice générale (ou le « commissaire » non encore nommé) ne déposera plus de rapports autonomes sur des sujets précis, ce qui est actuellement le cas en vertu de la Charte.

Outre la proposition de supprimer le Bureau du CEO et la portée des rapports, le projet de loi 57 propose d’autres réformes régressives à la Charte. Par exemple, les demandes d’examen en vertu de la Charte ne seront plus traitées par le ou la CEO, comme c’est le cas aujourd’hui. En vertu du projet de loi 57, on évitera de les présenter à la vérificatrice générale puisque ces demandes en vertu de la Charte seront initialement déposées auprès des ministères, qui ne seront pas assujettis au même degré de surveillance que celui actuellement exercé par le ou la CEO en vertu de la Charte.

De plus, l’annexe 15 tente de retirer les fonctions actuelles d’éducation et de sensibilisation du public du ou de la CEO et de les confier au ministre de l’Environnement. Du point de vue de l’ACDE, il s’agit là d’une réforme inappropriée et malavisée. Étant donné que le ministre de l’Environnement et les autres ministres sont généralement les destinataires des outils de la Charte (p. ex. les demandes, les appels, les poursuites civiles, etc.), il n’est pas réaliste de s’attendre à ce que ces représentants élus fournissent des conseils indépendants, crédibles et complets sur la façon d’utiliser efficacement la Charte pour maintenir la pression sur le gouvernement provincial.

Il est ironique que le projet de loi 57 s’intitule la Loi de 2018 visant à rétablir la confiance, la transparence et la responsabilité. Pour les raisons susmentionnées, l’ACDE conclut que la suppression du Bureau du CEO et le déclassement de la Charte ne restaureront pas la confiance du public, la transparence et la responsabilité en matière d’environnement. Au contraire, ils la mineront.

De plus, l’expertise reconnue du ou de la CEO dans l’examen et le traitement des questions complexes de droit et de politique de l’environnement n’est pas reproduite par le Bureau de la vérificatrice générale. Les vérifications ciblées de l’optimisation des ressources habituellement effectuées par la vérificatrice générale ne sont pas comparables au rôle de défense de l’environnement axé sur l’avenir joué par le ou la CEO.

Concrètement, la proposition injustifiable du gouvernement de supprimer le poste de CEO en vertu de la Charte prive l’environnement d’un défenseur fort et efficace et nuit à la capacité des Ontariens d’obtenir des conseils indépendants sur leurs droits environnementaux. En fait et en droit, le ou la CEO est le gardien de la Charte. Par conséquent, il ou elle devrait continuer de présenter à l’Assemblée législative de l’Ontario des recommandations détaillées et fondées sur des données probantes afin de protéger l’intérêt public, de conserver les caractéristiques et les fonctions du patrimoine naturel et de protéger la santé et la sécurité publiques.

Par conséquent, l’ACDE, les commentateurs et de nombreux autres groupes demandent au gouvernement de l’Ontario de retirer les modifications mal conçues de la Charte, énoncées à l’annexe 15 du projet de loi 57. Nous conseillons aux Ontariens qui partagent ce point de vue d’immédiatement signer la pétition en ligne adressée au premier ministre Ford.