La science assiégée au Comité de l’agriculture de la Chambre des communes

 

Les fabricants de pesticides en veulent à l’Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) pour avoir fait son travail. L’Agence a récemment terminé l’examen scientifique du pesticide imidaclopride. Il s’agit de l’un des néonicotinoïdes le plus fortement utilisés impliqués dans le déclin des abeilles et autres pollinisateurs. Au-delà des effets néfastes sur les pollinisateurs, l’examen récent de l’ARLA a révélé que ce produit chimique présente un risque inacceptable pour les écosystèmes aquatiques.

Par l’application des lois et des politiques sur les pesticides que l’ARLA est chargée de mettre en œuvre, l’Agence a recommandé l’élimination progressive complète de ce produit chimique d’ici cinq ans. La date limite de la consultation pour cette proposition de décision de l’ARLA était le 21 février dernier.

Lorsque j’ai appris que la date limite avait été reportée au 23 mars, j’étais très heureuse de tirer profit du temps supplémentaire. J’avais regardé brièvement la proposition et j’étais très enthousiaste de voir une décision aussi ferme. Afin de préparer la réponse de l’Association canadienne du droit de l’environnement, j’ai l’intention de revoir de plus près la décision proposée et de fouiller dans les détails pour voir si une action plus rapide était justifiée.

Cependant, la semaine dernière j’ai appris que la date limite de la consultation avait été reportée à la demande du Comité permanent de l’agriculture de la Chambre des communes. L’industrie des pesticides a sollicité sa participation et le Comité comprend l’importance de donner à l’industrie l’occasion de se faire entendre de façon équitable. Ce geste m’a rappelé ce que vivent plusieurs parents lorsque leurs enfants posent une question à papa après l’avoir posée à maman en espérant avoir la même réponse.

Le Comité de l’agriculture a décidé de tenir des audiences afin qu’il puisse présenter un rapport à l’ARLA. Il a invité l’ARLA ainsi que plusieurs grandes multinationales qui fabriquent des pesticides. Après coup, et en réponse à un communiqué de presse de divers groupes environnementaux qui s’opposaient à cet examen unilatéral, il a accepté d’entendre également le point de vue de deux de ces groupes.

C’est une situation pour le moins particulière et nous avons les années-personnes à l’Association canadienne du droit de l’environnement pour en rendre compte.

En additionnant les années d’expérience de notre personnel en réponse à des consultations publiques pour des décisions de routine et administratives semblables prises par des organismes gouvernementaux, on compte des centaines d’années. Nous ne nous souvenons pas qu’un Comité parlementaire permanent ait fait preuve d’autant d’ingérence dans une pareille situation.

Ces comités de députés prennent part aux activités de façon tout à fait appropriée, à un niveau politique plus vaste. De nombreux exemples nous viennent à l’esprit tel quel’examen actuel légalement mandaté de la Loi canadienne sur la protection de l’environnement par le Comité permanent de l’environnement et du développement durable. Les Comités de la Chambre des communes procèdent régulièrement à des examens de questions connexes en fonction de leurs mandats respectifs afin de donner des conseils au Parlement ou au ministre responsable.

Mais ce n’est pas ce qui se passe ici.

L’ARLA est un organisme de Santé Canada et non pas d’Agriculture Canada. Elle gère la Loi sur les produits antiparasitaires (LPA) ; elle doit rendre des comptes à la ministre de la Santé et non au ministre de l’Agriculture. Lorsqu’elle traite avec le Parlement, par exemple, lorsque l’ARLA est appelée à aborder des questions de politique générale en vertu de la LPA ou pour modifier la Loi, l’ARLA est sous la responsabilité du Comité permanent de la santé et non du Comité permanent de l’agriculture.

Le Comité de la santé ne participe pas non plus aux centaines de décisions scientifiques nécessaires pour assurer l’exécution de routine de la LPA. Pourquoi le ferait-il? Les membres ne sont pas des scientifiques, mais des politiciens. Si certains d’entre eux sont aussi des scientifiques, ils ne se sont pas fait élire comme députés pour être chargés du processus de décision scientifique spécialisé qui se tient au sein de l’ARLA.

Alors que se passe-t-il?

La décision du Comité d’agriculture d’intervenir dans cette affaire serait de l’interférence politique dans un processus décisionnel scientifique. Il serait tout à fait inapproprié, autant pour le Comité de la santé que pour le Comité de l’agriculture, d’entreprendre une telle action.

Les décisions du gouvernement sur les questions qui touchent la protection de l’environnement, la santé publique et plusieurs autres domaines doivent être basées sur des preuves scientifiques. Nous pouvons effectivement trouver le nécessaire pour le faire parmi les nombreuses lettres de mandat envoyées aux ministres fédéraux de la Santé, de l’Environnement, de l’Agriculture, des Sciences, etc. à l’automne 2016. L’Association canadienne du droit de l’environnement est d’accord avec cette approche. Les décisions du gouvernement sur des sujets qui nécessitent un examen scientifique doivent être basées sur des preuves. Nous appuyons donc fermement la décision fondée sur des preuves de l’ARLA qui consiste à éliminer progressivement et complètement ce pesticide dangereux pour le bien à long terme de l’environnement.