Les experts recommandent d’éviter les risques pour la santé des enfants durant les rénovations et les travaux visant l’amélioration de l’efficacité énergétique

 

Les travaux visant l’amélioration de l’efficacité énergétique permettent de lutter contre les changements climatiques et de créer des maisons plus saines, mais la formation reste une précaution essentielle afin d’éviter la libération de plomb et d’autres substances neurotoxiques

Mar 05 2011

Sous embargo jusqu’au dimanche 6 mars 2011, midi (heure normale de l’est)

Full Report — Executive Summary — Résumé

Les travaux domestiques visant à améliorer l’efficacité énergétique permettent de lutter contre les changements climatiques et, lorsque effectués de manière adéquate, peuvent également rendre les maisons plus saines, tout en allégeant le fardeau des familles qui éprouvent des difficultés à régler leurs factures des services publics.

Cependant, s’ils ne sont pas adéquatement formés et s’ils ne prennent pas les précautions appropriées, les rénovateurs, les bricoleurs et les ouvriers effectuant des travaux écoénergétiques qui manipulent des peintures contenant du plomb, des isolants à base d’amiante et d’autres matériaux toxiques dans les vieux bâtiments mettent en danger la santé de tous ceux qui y vivent – particulièrement celles des enfants. L’exposition au plomb entraîne potentiellement des altérations des fonctions cognitives et d’autres effets encore pires.

L’exposition à l’amiante peut potentiellement engendrer des maladies invalidantes de longue durée, et certains matériaux employés lors des rénovations peuvent accroître d’autres types de risques pour la santé, indiquent des experts dans un nouveau rapport publié par l’Association canadienne du droit de l’environnement (ACDE).

L’ACDE et les membres du Partenariat canadien pour la santé des enfants et l’environnement (PCSEE) ont initié un projet pluriannuel afin de promouvoir la santé lors des travaux écoénergétiques. Ils encouragent ce type de rénovations car elles permettent de réduire les émissions de gaz à effet de serre et les coûts énergétiques domestiques, mais exhortent le gouvernement à coopérer afin de s’assurer que de tels travaux soient effectués sans porter atteinte à la santé fragile des enfants.

« Plusieurs familles canadiennes sont aux prises avec de lourdes factures d’énergie et les rénovations écoénergétiques aident à alléger leur fardeau financier, tout en contribuant à la lutte contre les changements climatiques », indique Theresa McClenaghan, directrice générale de l’ACDE. « Si entreprises de manière adéquate, ces rénovations rendront également les maisons de ces familles plus saines et préviendront l’incidence des problèmes de santés réputés être associés aux moisissures ou à une ventilation et un chauffage inadéquats. Toutefois, à moins de prendre des précautions afin d’éviter la libération de produits chimiques toxiques et d’assurer une ventilation adéquate, de telles rénovations peuvent engendrer de graves risques pour la santé, particulièrement dans le cas des enfants. »

Erica Phipps, directrice des partenariats au PCSEE, ajoute : « Le but est d’atteindre une situation gagnant-gagnant, où les maisons sont à la fois plus écoénergétiques et plus saines pour les enfants et leur famille. »

Le rapport intitulé Healthy Retrofits: The Case for Better Integration of Children’s Environmental Health Protection into Energy Efficiency Programs (Résumé) propose une série de recommandations permettant d’améliorer divers aspects, incluant la portée et la conception des politiques et des programmes incitatifs d’amélioration de l’efficacité énergétique du gouvernement, la formation des agents d’efficacité énergétique, l’éducation des entrepreneurs et la sensibilisation du public quant à ces questions.

Le plomb représente l’une des principales préoccupations, ce dernier posant un risque dans toute maison construite avant 1978. Jusqu’en 1977, le plomb était un additif entrant fréquemment dans la composition des peintures intérieures, afin de rendre celles-ci plus brillantes, durables et résistantes aux moisissures. Ce métal peut se retrouver en très grandes quantités dans les peintures employées antérieurement aux années 1960. Le plomb était également ajouté en fortes concentrations dans les peintures extérieures jusqu’en 1992.

Les maisons construites dans les années 1930 ou avant peuvent recéler jusqu’à 200 kg de plomb, ce qui pose un faible danger s’il n’est pas perturbé. Cependant, le remplacement des fenêtres ou le perçage des murs afin d’y souffler de l’isolant, par exemple, peut contaminer la maison avec de la poussière de plomb. Cela est particulièrement dangereux pour les bébés et les enfants qui ont souvent tendance à ramper sur le plancher et à porter leurs mains ainsi que d’autres objets à leur bouche.

Selon un sondage effectué auprès d’agents d’efficacité énergétique, de rénovateurs et d’entrepreneurs canadiens dans le cadre du rapport de l’ACDE, il est surprenant de constater que bien que 93 % de ceux-ci discutent d’aspects touchant la santé environnementale avec leurs clients, seulement un sur six (soit 16 %) soulève la question du plomb à titre de préoccupation.

De plus, même si l’information émanant du gouvernement canadien recommande aux propriétaires de maisons d’être prudents, l’exposition potentielle au plomb contenu dans les peintures n’est pas abordée dans le cadre de la formation fédérale s’adressant aux agents d’efficacité énergétique, qui sont par conséquent peu susceptibles de soulever ce point. Seulement 7,1 % des professionnels questionnés ont indiqué effectuer des tests ou des dépistages pour le plomb.

Par ailleurs, l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis demande aux entrepreneurs d’être certifiés pour la manipulation sécuritaire du plomb s’ils effectuent des travaux de rénovation, de réparation ou de peinture dans des maisons construites avant 1978, des garderies, des centres de la petite enfance ou des écoles. Les États-Unis et la France comptent parmi les rares pays connus des experts médicaux pour avoir mis en place des mesures de précaution obligatoires ou d’autres exigences légales concernant les vieilles peintures au plomb.

« Il n’existe aucun seuil au-dessous duquel l’exposition au plomb est sans danger », souligne le professeur Bruce Lanphear, M.D. de l’Université Simon Fraser, un expert mondial dans le domaine de la santé environnementale des enfants ayant agi à titre de conseiller pour le rapport de l’ACDE. « L’exposition au plomb en bas âge peut affecter de manière permanente le cortex préfrontal du cerveau de l’enfant. »

Le rapport cite différentes études indiquant qu’une concentration sanguine de seulement 1 à 10 microgrammes par décilitre (µg/dL) peut engendrer un quotient intellectuel (QI) inférieur de six points par rapport à des enfants dont le sang est exempt de plomb. En moyenne, les enfants canadiens recèlent des concentrations sanguines de plomb se situant entre 1 et 3 µg/dL. Cela signifie qu’il n’existe aucune marge de sécurité s’il advenait que ces enfants soient davantage exposés à cet élément.

Les effets à long terme de l’exposition au plomb peuvent comprendre un développement lent, des difficultés d’apprentissage, une perte d’audition et une taille réduite. Le professeur Lanphear ajoute qu’il existe également une corrélation entre le trouble déficitaire de l’attention avec hyperactivité (TDAH) chez les enfants et la présence de plomb dans leur organisme et ce, même à des concentrations considérées sans danger par les instances officielles.

Selon de récentes études publiées aux États-Unis par le docteur Lanphear et d’autres chercheurs, les enfants dont le niveau d’exposition va de modéré à élevé peuvent subir des changements neurologiques et comportementaux, incluant une probabilité beaucoup plus forte de commettre des crimes une fois adultes.

Une étude effectuée en 2009 aux États-Unis par le Economic Policy Institute à Washington, D. C. a révélé que chaque dollar investi dans le contrôle des risques associés aux peintures contenant du plomb permettait des bénéfices sur le plan de la santé de l’ordre de 17 à 221$. Ces bénéfices comprennent des QI plus élevés, des revenus et des recettes fiscales sur toute la durée de vie active, des dépenses réduites en matière d’éducation spécialisée, ainsi qu’une réduction des activités criminelles. Les économies totales découlant des investissements faits aux États-Unis sont estimées se situer entre 181 et 269 milliards de dollars.

Les autres préoccupations principales en regard de la santé concernent l’amiante, une substance reconnue pour sa cancérogénicité et pour laquelle, tout comme le plomb, il n’existe pas de niveau d’exposition qui soit sans danger. À partir des années 1930 jusqu’au milieu des années 1980, l’amiante a été largement employé dans les maisons et les bâtiments au Canada.

Il est difficile d’estimer combien de bâtiments au Canada renferment de l’amiante. Cependant, il est connu que des isolants en vrac à base d’amiante ont été employés dans les greniers de 300 000 à 400 000 maisons canadiennes, jusqu’à ce que l’amiante soit retiré du marché en 1990.

La Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) décrit différents moyens par lesquels l’amiante peut poser des risques – perturbation des isolants en vrac, retrait des bardeaux ou du revêtement de toiture, altération du revêtement intermédiaire de toiture en papier asphalté, retrait de la gaine isolante d’amiante entourant un réservoir d’eau chaude, sablage ou grattage de tuiles de plancher en amiante, rupture des carreaux insonorisants de plafond et sablage du plâtre ou des revêtements tels que les matériaux de couverture, les produits d’étanchéité, les peintures, les calfeutres ou les cloisons sèches contenant de l’amiante.

Perturber des matériaux contenant de l’amiante peut libérer des fibres microscopiques d’amiante dans l’air.

Bien qu’il existe des règlements entourant le retrait de l’amiante, les maisons privées et les bâtiments résidentiels de quatre logements ou moins en sont exemptés. Si les propriétaires de maisons suspectent la présence d’amiante pouvant être perturbé durant les rénovations, il leur est conseillé de consulter un expert en matière d’élimination et de retrait de l’amiante.

Au Canada, les bâtiments construits ou rénovés entre 1950 et 1978 peuvent également recéler des calfeutres contenant des biphényles polychlorés (BPC) autour des fenêtres et des cadres de porte, entre les colonnes en maçonnerie et dans d’autres matériaux de construction en maçonnerie. Les BPC étaient ajoutés aux calfeutres afin d’augmenter leur flexibilité. Les BPC peuvent causer des cancers chez les animaux, et leur usage dans les calfeutres a été interrompu en 1978. La poussière générée durant les travaux de rénovation peuvent être contaminées aux BPC contenus dans ces vieux calfeutres.

Choisir des matériaux de construction sains

Le rapport indique que sceller ou rendre étanche un bâtiment dans le but d’accroître son efficacité énergétique peu réduire les échanges d’air, menant ainsi à une augmentation des concentrations de polluants intérieurs et à d’éventuels problèmes de santé.

Les nouveaux matériaux de construction tels que les calfeutres, les produits d’étanchéité, les colles et les isolants qui contiennent des composés organiques volatils peuvent libérer par dégazage des produits chimiques toxiques dont le benzène, le toluène et le formaldéhyde.

Des études récentes ont démontré que les risques d’asthme et de maladies respiratoires augmentent chez les nourrissons ou les enfants exposés au formaldéhyde ou aux panneaux de particules renfermant des liants à base de ce produit, de même qu’aux phtalates ou aux matériaux plastiques et aux émanations de peintures.

Les matériaux isolants à base de polystyrène comportent également des risques potentiels pour la santé. Ils sont fabriqués en combinant deux produits cancérogènes, l’éthylène et le benzène, pour produire de l’éthylbenzène qui est ensuite transformé en styrène. Le polystyrène contient souvent l’agent ignifugeant hexabromocyclododécane (HBCD), un composé rémanent auquel sont associés la perte de fertilité et certains effets sur la glande thyroïde.

Chercheuse principale à l’ACDE, Kathleen Cooper affirme : « Les améliorations écoénergétiques peuvent être grandement bénéfiques pour l’environnement et les familles canadiennes à faible revenu, le nombre de celles-ci étant estimé à un million, pour qui les coûts énergétiques représentent plus de 10 % de leur revenu familial. Souvent, ces familles vivent dans de vieux bâtiments où le plomb, l’amiante et d’autres substances dangereuses peuvent être présentes, ce qui souligne l’importance d’effectuer les travaux d’amélioration écoénergétiques de manière sécuritaire.»

Elle note qu’environ la moitié du parc résidentiel canadien a été construit avant 1980 et que, selon Statistiques Canada, environ 75 % de la population la plus démunie au Canada vit dans ces bâtiments. Mme Cooper ajoute que le gouvernement de l’Ontario vient de s’engager dans un vaste programme provincial de rénovation des habitations à loyer modique.

« Les Canadiens sont peu sensibilisés à ces questions », indique Mme Cooper. « Nous devons instaurer des mesures afin de s’assurer que les rénovations et les travaux d’amélioration écoénergétiques sont effectués de manière à minimiser les éventuels problèmes de santé. La mise en œuvre de nos recommandations contribuerait à s’assurer que des bénéfices sur le plan de la santé des milieux intérieurs découleraient de ces travaux. »

Le rapport mentionne le Pharos Project, une initiative du Healthy Building Network basé aux États-Unis. Ce projet aide les consommateurs et l’industrie de la construction à identifier et à employer des matériaux qui ne portent pas préjudice à l’environnement ou à la santé humaine en les examinant et les classant en fonction de leurs impacts. Pour plus d’information, visitez le www.pharosproject.net

Pour sa part, l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis offre un manuel gratuit intitulé Renovate Right, disponible en ligne au www.epa.gov/lead/pubs/renovaterightbrochure.pdf

Le Partenariat canadien pour la santé des enfants et l’environnement a développé une série de fiches d’information sur le thème des rénovations sans danger qui sera bonifiée à l’aide de nouveau matériel éducatif au fur et à mesure que le projet Healthy Retrofits évoluera.

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Pour plus d’information :

Theresa McClenaghan, directrice générale et avocate, ACDE 416 662-8341
Kathleen Cooper, chercheuse principale, ACDE 705 341-2488
Erica Phipps, directrice des partenariats, PCSEE 212 874-0257
Bruce Lanphear, M.D., Université Simon Fraser 778 387-399

L’Association canadienne du droit de l’environnement (ACDE), qui a rédigé ce rapport, est un partenaire fondateur du PCSEE et du Low-Income Energy Network(LIEN). L’ACDE est une clinique d’aide juridique dont la spécialité porte sur les aspects de droit et de politique en matière d’environnement; celle-ci concentre ses efforts de recherche et de plaidoyer sur des questions touchant les énergies durables et les effets des substances toxiques sur les enfants, notamment dans les communautés défavorisées.

Le Partenariat canadien pour la santé des enfants et l’environnement (PCSEE) constitue une collaboration multisectorielle entre onze organisations dont les domaines d’expertise touchent les questions reliés aux enfants, à la santé, à la santé publique et à l’environnement. Les partenaires du PCSEE travaillent ensemble depuis 2001 afin de protéger la santé des enfants des polluants environnementaux et des produits chimiques toxiques en portant les questions de santé environnementale des enfants à l’attention des décideurs, des organisations offrant des services, des praticiens, des parents et du public.

Les travaux du PCSEE et de l’ACDE visant à promouvoir les travaux de rénovation et d’amélioration écoénergétiques sont financés par la Fondation Trillium de l’Ontario.