Protection des sources d’eau 2.0 : Renforcement des dispositifs de protection de l’eau potable de l’Ontario

 

En mai 2000, à Walkerton, en Ontario, sept personnes sont mortes et des milliers d’autres ont été gravement malades après la contamination bactériologique d’un puits municipal.

À la suite de cette tragédie, le gouvernement provincial a mis sur pied une vaste enquête publique dirigée par le juge O’Connor. Dans son rapport en deux volumes, il a recommandé de procéder à des réformes législatives radicales visant à mettre en œuvre une approche « à barrières multiples » en matière de sécurité de l’eau potable afin de prévenir la répétition de cette catastrophe de santé publique ailleurs dans la province.

En réponse à ces recommandations, l’Assemblée législative de l’Ontario a adopté trois nouvelles lois :

  • La Loi de 2002 sur la salubrité de l’eau potable, qui établit des normes réglementaires pour les tests, le traitement et la distribution de l’eau potable.
  • La Loi de 2002 sur la gestion des éléments nutritifs, qui traite des pratiques d’épandage de biosolides et de fumier.
  • La Loi de 2006 sur l’eau saine, qui établit un processus de planification participatif, axé sur la science et sur la collectivité, pour la protection des sources d’eau potable.

Pour faciliter le nouveau régime de protection des sources d’eau en vertu de la Loi sur la qualité de l’eau, l’Ontario a établi des comités de consultation plurilatérale, a élaboré des règlements détaillés et des règles techniques, et a fourni un financement provincial considérable. Cette première phase de planification de la protection des sources d’eau a duré de 2007 à 2015, année où la province a approuvé les 22 plans de protection des sources préparés par des comités locaux.

Ces plans approuvés sont maintenant mis en œuvre par les autorités compétentes dans les zones de protection des sources et dans les régions de l’Ontario. Cependant, les politiques obligatoires de ces plans de première génération se limitent en grande partie à la protection des sources d’eau brute utilisées par les réseaux municipaux d’eau potable résidentielle, qui desservent environ 80 % de la population ontarienne.

La Loi sur l’eau saine contient des dispositions qui permettent d’inclure dans la planification de la protection des sources d’eau d’autres types de systèmes non municipaux (par exemple les systèmes d’eau potable des Premières Nations ou des groupes de six puits privés ou plus, comme ceux que l’on retrouve dans bon nombre de villes et de villages en Ontario). À ce jour, toutefois, seuls trois systèmes des Premières Nations ont été « élevés » pour inclusion dans la Loi sur l’eau saine.

Selon ce que sait l’Association canadienne du droit de l’environnement, aucun groupe de puits privé dans les villes ou villages n’a été « élevé » pour inclusion dans les plans approuvés de protection des sources. Cette omission est malheureuse, mais pas surprenante, puisque la province a expressément avisé en 2008 les comités de protection des sources que les systèmes non municipaux devraient être « reportés ».

Actuellement, la Loi sur l’eau saine profite aux millions d’Ontariennes et d’Ontariens qui sont déjà bien protégés lorsqu’ils consomment de l’eau fournie par les systèmes municipaux qui, selon l’inspectrice en chef de l’eau potable de l’Ontario, respectent systématiquement les normes provinciales de qualité de l’eau potable.

En revanche, il est bien connu que l’approvisionnement en eau potable dans de nombreuses collectivités des Premières Nations de l’Ontario est contaminé et soumis à de nombreux avis de faire bouillir l’eau. Par exemple, le Rapport annuel du ministre sur l’eau potable concède qu’« En septembre 2016 en Ontario, 44 réseaux d’eau potable financés par Affaires autochtones et du Nord Canada dans 24 collectivités des Premières Nations étaient touchés par des avis d’ébullition ». Bien que la province s’engage à fournir une « assistance technique » aux Premières Nations en matière d’eau potable, l’Association canadienne du droit de l’environnement soutient qu’une première étape importante dans le cadre de l’approche à barrières multiples consiste à collaborer avec ces communautés afin d’élaborer et de financer des plans efficaces de protection des sources d’eau.

De même, les propriétaires de puits privés dans les régions rurales de l’Ontario ne sont pas visés par les exigences en matière de planification de la protection des sources et par les nouveaux outils juridiques offerts par la Loi sur l’eau saine. Cela a incité la vérificatrice générale de l’Ontario à noter que :

« On estime que 1,6 million de personnes en Ontario comptent sur des puits privés pour leur approvisionnement en eau potable. Pour ces personnes, protéger l’eau de source est la seule ligne de défense. En 2013, plus d’un tiers des échantillons d’eau des puits privés ont été testés positifs pour les bactéries, dont E. coli. »

En conséquence, en 2014, la vérificatrice générale a recommandé qu’« afin de renforcer la protection des sources d’approvisionnement en eau, le ministère de l’Environnement et de l’Action en matière de changement climatique doit étudier la possibilité d’exiger que les plans de protection des sources identifient les menaces pour les sources d’approvisionnement en eau potable ».

Cependant, dans son rapport de 2016, la vérificatrice générale a conclu que le gouvernement provincial avait fait « peu ou pas de progrès » à l’égard de cette recommandation importante.

De l’avis de l’Association canadienne du droit de l’environnement, il est inéquitable et inacceptable que le régime actuel de la Loi sur l’eau saine ait été appliqué d’une manière qui protège seulement l’eau de source de certains résidents de l’Ontario. En conséquence, l’Association canadienne du droit de l’environnement réclame du gouvernement provincial qu’il prenne toutes les mesures nécessaires afin de développer la prochaine étape du processus de planification de la Loi sur l’eau saine afin d’inclure les puits et les systèmes hydriques qui alimentent les systèmes non municipaux.

De toute évidence, les sources d’eau souterraine ou de surface utilisée par les Premières Nations, par les villes, par les villages et par les hameaux qui dépendent de systèmes non municipaux sont potentiellement vulnérables à la contamination par des bactéries pathogènes, tout comme les sources utilisées par les systèmes municipaux qui fournissent de l’eau potable aux villes ontariennes. Ainsi, l’Association canadienne du droit de l’environnement conclut que des mesures supplémentaires et opportunes de la part de l’Ontario (et les autres niveaux de gouvernement) sont nécessaires afin d’éviter que ne se reproduise la tragédie de Walkerton.