Retour sur la déréglementation : les lois environnementales de l’Ontario sont (encore une fois) attaquées

 

Le mandat principal de l’ACDE est d’appliquer et d’améliorer la loi pour protéger l’environnement et les intérêts des citoyens à faible revenu ou vulnérables, et d’assurer l’accès à la justice environnementale.

En Ontario, cependant, notre principal défi semble désormais non pas de renforcer progressivement les lois provinciales, mais bien de repousser les tentatives malavisées du gouvernement d’abroger les principales lois environnementales et d’éliminer les règlementations environnementales qualifiées de « formalités administratives ».

Depuis que le gouvernement actuel a pris le pouvoir il y a plusieurs mois, les Ontariens ont connu un démantèlement rapide et systémique de la législation environnementale, initialement adoptée par l’Assemblée législative pour promouvoir l’intérêt public sur divers fronts.

Par exemple, lors de sa première séance à l’automne 2018, le gouvernement de l’Ontario a adopté les lois suivantes afin d’éliminer ou de diluer des lois, des règlements et des programmes environnementaux importants :

  1. Projet de loi 4 : Ce projet de loi abroge le régime de plafonnement et d’échange de droits d’émission de l’Ontario en vertu de la Loi sur l’atténuation du changement climatique et une économie sobre en carbone, qui avait établi un système de tarification du carbone « pollueur-payeur » efficace et généré des fonds pour atténuer les changements climatiques et s’y adapter;
  2. Projet de loi 34 : Ce projet de loi abroge la Loi sur l’énergie verte de l’Ontario, qu’on avait adoptée en 2009 pour faciliter les programmes d’économie et d’efficacité énergétique et la création de sources d’énergie renouvelable;
  3. Projet de loi 57 : L’annexe 15 de ce projet de loi modifie la Charte des droits environnementaux et abolit le Bureau du commissaire à l’environnement de l’Ontario, qui sert, depuis plus de deux décennies, d’agent de surveillance dans la prise de décisions gouvernementales ayant une incidence sur l’environnement (transparence et reddition de compte).

Vous trouverez les réponses détaillées de l’ACDE à ces développements législatifs sur notre site Web.

Les démantèlements les plus récents − et les plus alarmants − proposés par le gouvernement de l’Ontario sont énoncées dans le projet de loi 66, qui a été présenté hier en première lecture. Nous estimons que ce projet de loi − avec les projets de loi susmentionnés − représente, en Ontario, le recul environnemental le plus important depuis une génération.

À notre connaissance, le gouvernement de l’Ontario ne semble pas avoir procédé à des consultations préliminaires et sérieuses avec les intervenants intéressés avant de publier soudainement le projet de loi 66 le dernier jour de la session législative d’automne.

De plus, nous notons que le gouvernement provincial a tenté de justifier ce projet de loi en soutenant qu’il contient « 30 actions » qui élimineront « les formalités administratives », allégeront le « fardeau réglementaire » et permettront aux entreprises de créer « de bons emplois ».

Ces mesures législatives proposées comprennent, entre autres, les suivantes :

  • Abroger la Loi sur la réduction des toxiques et son règlement d’application, qui oblige actuellement les grandes industries à élaborer des plans pour réduire l’utilisation ou la production de substances toxiques dans leurs procédés de production;
  • Modifier la Loi sur l’aménagement du territoire afin de permettre aux municipalités d’adopter des règlements de zonage « ouverts aux entreprises » qui n’ont pas à se conformer aux dispositions de la Loi sur l’eau saine, la Loi de 2005 sur la ceinture de verdure, la Loi de 2005 sur la protection des Grands Lacs, la Loi de 2008 sur la protection du lac Simcoe, la Loi de 2001 sur la conservation de la moraine d’Oak Ridges, la Loi de 2016 sur la récupération des ressources et l’économie circulaire et d’autres lois provinciales.

À notre avis, la tentative du projet de loi 66 de soustraire les règlements de zonage « ouverts aux entreprises » à l’application de l’article 39 de la Loi sur l’eau saine est particulièrement répréhensible et comporte de grands risques. Cet article n’est pas une disposition procédurale obscure enfouie dans la Loi; il s’agit plutôt de la disposition opérationnelle clé qui exige des décisions en matière d’aménagement du territoire pour protéger la salubrité de l’eau potable et la santé de la population de l’Ontario.

En droit, l’article 39 de la Loi sur l’eau saine exige actuellement que toutes les décisions prises en vertu de la Loi sur l’aménagement du territoire soient conformes aux politiques des plans de protection des sources approuvés qui traitent des menaces importantes à l’eau potable prescrites par la Loi sur l’eau saine (p. ex. les sites d’enfouissement, les réseaux d’égouts et l’entreposage ou la manutention de carburant, d’engrais, de fumier, de pesticides, de sel de voirie, de solvants organiques et d’autres substances sur les terrains près des puits ou des tuyaux de prise d’eau de surface utilisés par les réseaux municipaux d’eau potable). Nous estimons que cette importante disposition doit demeurer applicable à toutes les décisions de planification et de zonage municipales afin de protéger la santé et la sécurité publiques.

De façon plus générale, l’ACDE estime que le contenu injustifiable du projet de loi 66 et le langage administratif erroné utilisé par le gouvernement pour décrire l’intention du projet de loi rappellent fortement le dangereux programme de déréglementation mis en œuvre par le gouvernement de l’Ontario avant la tragédie de Walkerton en 2000.

Et là, nous notons que le Rapport de la Commission d’enquête sur Walkerton du juge O’Connor a conclu que la déréglementation provinciale était trop zélée et que les compressions budgétaires et les réductions de personnel étaient les principaux facteurs qui ont entraîné la mort de sept personnes (et de graves maladies chez des milliers d’autres habitants de la ville) après avoir bu l’eau du robinet municipale contaminée.

Fait important, la Loi sur l’eau saine a été l’une des lois adoptées par l’Assemblée législative de l’Ontario en réponse aux recommandations du juge O’Connor et vise à prévenir la répétition de la tragédie de Walkerton ailleurs dans la province. Par conséquent, nous concluons que la tentative du projet de loi 66 de restreindre l’application de la Loi sur l’eau saine ne constitue pas une bonne politique publique et doit être immédiatement retirée par le gouvernement de l’Ontario.

L’ACDE est extrêmement déçue de constater que le gouvernement actuel de l’Ontario ne tient pas compte des leçons tirées de la tragédie de Walkerton. Nous prévoyons donc travailler en étroite collaboration avec nos collègues des domaines de l’environnement, de la santé publique et de la justice sociale pour nous opposer vigoureusement au projet de loi 66 lorsque l’Assemblée législative reprendra ses travaux en février 2019.

Compte tenu de l’adoption du projet de loi 57 visant à éliminer l’indépendance du commissaire à l’environnement et du dépôt du projet de loi 66, la journée d’hier a été l’une des pires journées pour le droit environnemental ontarien depuis des décennies. De plus, le projet de loi 66 constitue une attaque sans précédent et inacceptable envers les dispositions législatives qui protègent actuellement la qualité de l’environnement et la santé et la sécurité publiques partout en Ontario.