Posted by Kerrie Blaise, avocate de l’ACDE on December 6, 2018
La Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN), l’un des organismes de réglementation de l’énergie du Canada, fait circuler un message au sujet des évaluations environnementales fédérales qui risque de miner les principes fondamentaux de la législation canadienne environnementale et d’exempter les projets nucléaires importants de l’examen fédéral de l’évaluation environnementale.
Ce message fait suite au projet de loi C-69, qui propose d’abroger la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012), actuellement en vigueur, et de la remplacer par la Loi sur l’évaluation d’impact. Ce changement s’inscrit dans le cadre des efforts déployés par le gouvernement pour rétablir la confiance du public dans le processus fédéral d’évaluation environnementale.
Dans le but de réduire le nombre de projets d’énergie nucléaire qui seront assujettis à la Loi sur l’évaluation d’impact, la CCSN soutient un discours selon lequel « tous les projets seraient toujours assujettis à une évaluation environnementale en vertu de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires ».
Ce message est non seulement trompeur, mais il est erroné et non défendable en droit.
J’écris cet article pour ne pas dissuader les organismes de réglementation, nucléaires ou autres, de tenir compte de la protection de l’environnement et de la santé humaine au cours des procédures de délivrance de permis, mais de reconnaître que l’« évaluation environnementale » est un processus d’examen environnemental différent qui exige expressément que le processus décisionnel tienne compte des facteurs sociaux, économiques, humains et culturels. Les évaluations environnementales analysent également l’objet et les besoins d’un projet proposé, examinent les solutions de rechange au projet et évaluent différentes façons de le réaliser. Ces importantes exigences fondamentales sont obligatoires en vertu de la Loi sur l’évaluation d’impact proposée, mais ne sont pas prises en compte en vertu de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires.
Si des projets nucléaires importants (p. ex. le déclassement de centrales nucléaires ou de petits réacteurs modulaires) échappent à l’examen fédéral de l’évaluation environnementale et sont assujettis aux exigences actuelles de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires pour les permis, les localités les plus directement touchées par des projets nucléaires existants ou proposés ne pourront participer de façon significative au processus décisionnel. Comme l’explique ce blogue, il n’y a aucune circonstance dans laquelle un examen environnemental prétendument mené par la CCSN en vertu de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires peut être associé à une évaluation environnementale en vertu de la loi fédérale sur l’évaluation environnementale.
Rétrospective : évaluation environnementale et développement durable
Au Canada, l’un des premiers marqueurs de l’évaluation environnementale était une directive du Cabinet datant de 1972, qui avait été précipitée par une prise de conscience croissante, dans le monde entier, concernant les effets du développement sur l’environnement naturel. En 1984, le processus d’évaluation environnementale du Canada a reçu force de loi sous forme de Décret sur les lignes directrices, puis a été officialisé par une loi en 1992.
Cette réforme législative a été entreprise à la suite de la publication, en 1987, du rapport Notre avenir à tous de la Commission Brundtland, qui a approuvé l’évaluation environnementale comme outil de développement durable.
La durabilité, en tant que principe fondamental du droit de l’évaluation environnementale, peut être attribuée à ce rapport fondateur et à la révélation d’une « nouvelle réalité » dans laquelle il a été reconnu qu’il n’y avait « aucune échappatoire » si les humains ne parvenaient pas à adapter le progrès aux ressources écologiques limitées de la planète. L’accent mis dans le rapport Brundtland sur les facteurs sociaux, économiques, culturels et sanitaires sous-jacents à la durabilité continue de transparaître dans le processus d’évaluation environnementale du Canada, en particulier en tant qu’« éléments à examiner » lorsqu’on effectue une évaluation environnementale en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012) ou de la Loi sur l’évaluation d’impact proposée.
De même, le public doit participer à la prise de décisions. Il s’agit d’un objectif central de l’évaluation environnementale, qui a été inclus dans le cadre du rapport Brundtland sur la durabilité, qui reconnaît expressément que les groupes de citoyens, les organisations non gouvernementales et les communautés scientifiques « jouent un rôle crucial pour mettre le monde sur la voie du développement durable ».
Évaluation environnementale sous le couvert d’un régime de permis nucléaire
La Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, en vertu de laquelle l’organisme de réglementation nucléaire du Canada effectue ses prétendues évaluations environnementales, a vu le jour à la fin des années 1940 en réponse à la déclaration du Canada qu’il utiliserait l’énergie nucléaire à des fins pacifiques. Auparavant, le Canada avait activement participé au recours à la technologie nucléaire et à la recherche à ce sujet pour appuyer les efforts du Royaume-Uni et des États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale, les premières installations de recherche ayant été établies pour cette raison.
Avec l’adoption en 1946 de la Loi sur le contrôle de l’énergie atomique (l’ancêtre de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires), on a fondé un organisme fédéral de réglementation pour développer et promouvoir le secteur.
Ce n’est qu’en l’an 2000 que l’un des objectifs de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, et par extension les décisions d’autorisation prises par la CCSN, a été de « prévenir les risques déraisonnables pour l’environnement et pour la santé et la sécurité des personnes ». Par ailleurs, la Loi ne comporte pas les éléments fondamentaux de l’« évaluation environnementale » ou de la « durabilité », et aucune décision judiciaire à ce jour n’a interprété cet objectif comme étant conforme à la législation fédérale du Canada en matière d’évaluation environnementale.
Il faut modifier le message de la CCSN
L’ACDE a encouragé à maintes reprises la CCSN à réviser son utilisation du terme « évaluation environnementale » et à utiliser plutôt des expressions qui reflètent mieux ses pouvoirs d’autorisation, comme « examen environnemental » ou « analyse technique ». Toutefois, la phrase « nous mènerons toujours des évaluations environnementales en vertu de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires » est maintenant à la mode à la CCSN, qui l’emploie dans ses discussions avec les médias, lors d’audiences d’autorisation et dans les documents publics.
Le résultat de l’utilisation abusive de l’expression « évaluation environnementale » par la CCSN est déjà évident. En juin, la région de Durham a demandé à participer à une évaluation environnementale pour le déclassement de la centrale nucléaire de Pickering afin que les intérêts de la région, c’est-à-dire que « les répercussions économiques, les répercussions sociales sur la région et les répercussions sur les émissions et la santé » puissent être prises en compte. En guise de réponse, la CCSN a déclaré que, « en tant qu’organisme de réglementation nucléaire, nous ne nous penchons pas sur les aspects socioéconomiques. Par conséquent, la durabilité et la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaire ne seront pas examinés ». La CCSN ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre; elle ne peut pas affirmer qu’elle mène des évaluations environnementales et, du même coup, exclure les questions fondamentales de durabilité qui sont au cœur même de la loi sur l’évaluation environnementale.
Quelle est la prochaine étape?
Le ministère fédéral de l’Environnement et du Changement climatique sollicitera bientôt les commentaires du public sur la « Liste des projets » de la Loi sur l’évaluation d’impact. Cette liste désignera les projets devant être soumis à une évaluation dans le cadre de la nouvelle Loi sur l’évaluation d’impact.
Je vous invite à vous joindre à l’ACDE dans le cadre de cette consultation publique pour plaider en faveur de l’inclusion de tous les projets nucléaires importants dans la nouvelle Loi sur l’évaluation d’impact du Canada, y compris le déclassement et la remise à neuf des réacteurs, et le développement de toute nouvelle forme de technologie de réacteur, comme les petits réacteurs modulaires.
Les Canadiens, les membres du Cabinet fédéral et tous les députés ne doivent pas se laisser berner par le message de la CCSN. Il n’existe qu’une seule loi sur l’évaluation environnementale au Canada et ce n’est pas la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires.
Un message erroné de l’organisme de réglementation nucléaire du Canada pourrait permettre aux projets d’énergie nucléaire d’échapper à l’évaluation environnementale fédérale
La Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN), l’un des organismes de réglementation de l’énergie du Canada, fait circuler un message au sujet des évaluations environnementales fédérales qui risque de miner les principes fondamentaux de la législation canadienne environnementale et d’exempter les projets nucléaires importants de l’examen fédéral de l’évaluation environnementale.
Ce message fait suite au projet de loi C-69, qui propose d’abroger la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012), actuellement en vigueur, et de la remplacer par la Loi sur l’évaluation d’impact. Ce changement s’inscrit dans le cadre des efforts déployés par le gouvernement pour rétablir la confiance du public dans le processus fédéral d’évaluation environnementale.
Dans le but de réduire le nombre de projets d’énergie nucléaire qui seront assujettis à la Loi sur l’évaluation d’impact, la CCSN soutient un discours selon lequel « tous les projets seraient toujours assujettis à une évaluation environnementale en vertu de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires ».
Ce message est non seulement trompeur, mais il est erroné et non défendable en droit.
J’écris cet article pour ne pas dissuader les organismes de réglementation, nucléaires ou autres, de tenir compte de la protection de l’environnement et de la santé humaine au cours des procédures de délivrance de permis, mais de reconnaître que l’« évaluation environnementale » est un processus d’examen environnemental différent qui exige expressément que le processus décisionnel tienne compte des facteurs sociaux, économiques, humains et culturels. Les évaluations environnementales analysent également l’objet et les besoins d’un projet proposé, examinent les solutions de rechange au projet et évaluent différentes façons de le réaliser. Ces importantes exigences fondamentales sont obligatoires en vertu de la Loi sur l’évaluation d’impact proposée, mais ne sont pas prises en compte en vertu de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires.
Si des projets nucléaires importants (p. ex. le déclassement de centrales nucléaires ou de petits réacteurs modulaires) échappent à l’examen fédéral de l’évaluation environnementale et sont assujettis aux exigences actuelles de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires pour les permis, les localités les plus directement touchées par des projets nucléaires existants ou proposés ne pourront participer de façon significative au processus décisionnel. Comme l’explique ce blogue, il n’y a aucune circonstance dans laquelle un examen environnemental prétendument mené par la CCSN en vertu de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires peut être associé à une évaluation environnementale en vertu de la loi fédérale sur l’évaluation environnementale.
Rétrospective : évaluation environnementale et développement durable
Au Canada, l’un des premiers marqueurs de l’évaluation environnementale était une directive du Cabinet datant de 1972, qui avait été précipitée par une prise de conscience croissante, dans le monde entier, concernant les effets du développement sur l’environnement naturel. En 1984, le processus d’évaluation environnementale du Canada a reçu force de loi sous forme de Décret sur les lignes directrices, puis a été officialisé par une loi en 1992.
Cette réforme législative a été entreprise à la suite de la publication, en 1987, du rapport Notre avenir à tous de la Commission Brundtland, qui a approuvé l’évaluation environnementale comme outil de développement durable.
La durabilité, en tant que principe fondamental du droit de l’évaluation environnementale, peut être attribuée à ce rapport fondateur et à la révélation d’une « nouvelle réalité » dans laquelle il a été reconnu qu’il n’y avait « aucune échappatoire » si les humains ne parvenaient pas à adapter le progrès aux ressources écologiques limitées de la planète. L’accent mis dans le rapport Brundtland sur les facteurs sociaux, économiques, culturels et sanitaires sous-jacents à la durabilité continue de transparaître dans le processus d’évaluation environnementale du Canada, en particulier en tant qu’« éléments à examiner » lorsqu’on effectue une évaluation environnementale en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale (2012) ou de la Loi sur l’évaluation d’impact proposée.
De même, le public doit participer à la prise de décisions. Il s’agit d’un objectif central de l’évaluation environnementale, qui a été inclus dans le cadre du rapport Brundtland sur la durabilité, qui reconnaît expressément que les groupes de citoyens, les organisations non gouvernementales et les communautés scientifiques « jouent un rôle crucial pour mettre le monde sur la voie du développement durable ».
Évaluation environnementale sous le couvert d’un régime de permis nucléaire
La Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, en vertu de laquelle l’organisme de réglementation nucléaire du Canada effectue ses prétendues évaluations environnementales, a vu le jour à la fin des années 1940 en réponse à la déclaration du Canada qu’il utiliserait l’énergie nucléaire à des fins pacifiques. Auparavant, le Canada avait activement participé au recours à la technologie nucléaire et à la recherche à ce sujet pour appuyer les efforts du Royaume-Uni et des États-Unis pendant la Seconde Guerre mondiale, les premières installations de recherche ayant été établies pour cette raison.
Avec l’adoption en 1946 de la Loi sur le contrôle de l’énergie atomique (l’ancêtre de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires), on a fondé un organisme fédéral de réglementation pour développer et promouvoir le secteur.
Ce n’est qu’en l’an 2000 que l’un des objectifs de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires, et par extension les décisions d’autorisation prises par la CCSN, a été de « prévenir les risques déraisonnables pour l’environnement et pour la santé et la sécurité des personnes ». Par ailleurs, la Loi ne comporte pas les éléments fondamentaux de l’« évaluation environnementale » ou de la « durabilité », et aucune décision judiciaire à ce jour n’a interprété cet objectif comme étant conforme à la législation fédérale du Canada en matière d’évaluation environnementale.
Il faut modifier le message de la CCSN
L’ACDE a encouragé à maintes reprises la CCSN à réviser son utilisation du terme « évaluation environnementale » et à utiliser plutôt des expressions qui reflètent mieux ses pouvoirs d’autorisation, comme « examen environnemental » ou « analyse technique ». Toutefois, la phrase « nous mènerons toujours des évaluations environnementales en vertu de la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires » est maintenant à la mode à la CCSN, qui l’emploie dans ses discussions avec les médias, lors d’audiences d’autorisation et dans les documents publics.
Le résultat de l’utilisation abusive de l’expression « évaluation environnementale » par la CCSN est déjà évident. En juin, la région de Durham a demandé à participer à une évaluation environnementale pour le déclassement de la centrale nucléaire de Pickering afin que les intérêts de la région, c’est-à-dire que « les répercussions économiques, les répercussions sociales sur la région et les répercussions sur les émissions et la santé » puissent être prises en compte. En guise de réponse, la CCSN a déclaré que, « en tant qu’organisme de réglementation nucléaire, nous ne nous penchons pas sur les aspects socioéconomiques. Par conséquent, la durabilité et la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaire ne seront pas examinés ». La CCSN ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre; elle ne peut pas affirmer qu’elle mène des évaluations environnementales et, du même coup, exclure les questions fondamentales de durabilité qui sont au cœur même de la loi sur l’évaluation environnementale.
Quelle est la prochaine étape?
Le ministère fédéral de l’Environnement et du Changement climatique sollicitera bientôt les commentaires du public sur la « Liste des projets » de la Loi sur l’évaluation d’impact. Cette liste désignera les projets devant être soumis à une évaluation dans le cadre de la nouvelle Loi sur l’évaluation d’impact.
Je vous invite à vous joindre à l’ACDE dans le cadre de cette consultation publique pour plaider en faveur de l’inclusion de tous les projets nucléaires importants dans la nouvelle Loi sur l’évaluation d’impact du Canada, y compris le déclassement et la remise à neuf des réacteurs, et le développement de toute nouvelle forme de technologie de réacteur, comme les petits réacteurs modulaires.
Les Canadiens, les membres du Cabinet fédéral et tous les députés ne doivent pas se laisser berner par le message de la CCSN. Il n’existe qu’une seule loi sur l’évaluation environnementale au Canada et ce n’est pas la Loi sur la sûreté et la réglementation nucléaires.
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